NOUVELLES PRISONS (suite)

Chronologie des luttes anti-carcérales de 71 à 89

L’amnistie décrétée par les socialistes et communistes sera dérisoire (inférieur à celui d’un René Coty, voire d’un Charles de Gaulle). On replâtrera les prisons en libérant 5 000 détenus, manière d’éviter que les taules ne craquent faute de place.
P 23.9.1981. A Toulouse, 13 heures, les « Bombeurs Anonymes pour la Défense des Incarcérés Très Excités par Robert » (B.A.D.I.N.T.E.R.) revendiquent les bombages à l’intérieur du palais de justice : « destruction des QHS », « les juges au chômage », « libérez les taulards ». Dans un tract distribué et laissé sur place, les auteurs exigent la libération des 7 inculpés dans l’affaire de Condé-sur-Escaut, en grève de la faim depuis 30 jours pour certains d’entre eux… et ceux dont la police a elle-même reconnu le caractère politique de leur délit mais qui n’avaient pas revendiqué leur motivation face à une justice de droite… la satisfaction des détenus en lutte et la destruction des QHS.
P 23.9.1981. A Paris, mise à sac du salon du restaurant de la Tour d’Argent par une cinquantaine de personnes. Les auteurs «…un des cénacles de la grande bouffe ».
P 24.9.1981. A Paris, incendie de cinq bureaux du Comité de probation des peines (notamment chargé de la réinsertion des détenus libérés). Le même jour, vol du glaive de la statue de Saint-Louis devant le château de Vincennes. Ces trois actions ont été revendiquées à l’AFP par le groupe « nous »… pour attirer l’attention sur le sort des 7 détenus de l’affaire de Condé-sur Escaut qui poursuivent leur grève de la faim. Nous ne les laisserons pas mourir. Nous prendrons toutes les mesures qui s’imposent dans une situation bloquée.
P 26.9.1981. A Toulouse, 9 heures, au centre ville, un groupe de six personnes masquées pénètre chez Germain (épicerie fine, dépositaire des produits Fauchon), certains armés d’extincteurs (remplis d’un mélange d’ammoniaque et de peinture) ont aspergé les fromages, beurres, cervelas… Dans un tract laissé sur place sous forme de télégrammes, G.E.R.M.A.I.N. (Gastronomes Écœurés Révoltés par le Manque d’Alimentation des Incarcérés Non-amnistiés) s’explique : « Pour vous bourgeois Stop - Avons décidé Stop - En soutien aux détenus en grève de la faim de supprimer Stop - votre prochain caviar dominical Stop - par quelques jets intempestifs de peinture Stop - une tornade colorée a biodégradé Stop - votre épicerie favorite. Germain. Stop - manière de rappeler à vos estomacs trop pleins, ceux vides de nos camarades Stop - libération de tous les prisonniers politiques. Suppression des QHS. Satisfaction immédiate des revendications des détenus en lutte. Arrêt des procédures d’extradition ».
A Perpignan, une épicerie subira le même sort.
P Dans la nuit du 29.9 au 30.9.1981, deux occupations menées par une quarantaine de personnes se réclamant du « Comité pour la libération des prisonniers politiques », l’une au siège de l’AFP, l’autre aux locaux du journal le Quotidien de Paris.
P Dans la même nuit, vers 3 heures, à Carmaux (Tarn), c’est la statue de Jean Jaurès qui est détruite par une explosion. Action revendiquée par un groupe libertaire « Les Artilleurs du Grand Soir », exigeant la libération des inculpés de l’affaire Condé-sur-Escaut.
P Début octobre 1981, à Paris, c’est le mannequin en cire de F. Mitterrand qui sera enlevé au Musée Grévin. Le groupe G.R.E.V.I.N. (Groupe Révolutionnaire Enragé Vindicatif Irresponsable et Nuisible) qui revendique l’enlèvement, a décidé «…de frapper résolument au cœur de l’Etat social-démocrate » répondant « coup pour coup à la détention de prolétaires emprisonnés dans les geôles de l’Etat » et demandant la libération des prisonniers politiques.
P 6.10.1981. A Paris, vers 22 h 30, une trentaine de personnes se réclamant pour certains d’un « Comité unitaire pour la libération des prisonniers politiques » envahissent et occupent FR3.
P Une action de solidarité marque la fin de l’année 1981. Dans la nuit du 30 au 31 décembre, une explosion détruit une partie de la façade de la maison d’arrêt de Montpellier. La porte blindée est arrachée de ses gonds, de nombreuses vitres sont brisées et deux voitures de matons sont détruites. Le B.O.U.M. revendique (pour une Bonne et Opportune Utilisation de la Mélinite). « Il faut que les matons sachent qu’ils ne bénéficient d’aucune impunité. Les prisonniers sont totalement à leur merci à l’intérieur. Nous, nous sommes à l’extérieur et nous rééquilibrons le rapport de force. Regardez ce qui s’est passé avec Robert Galland. Il a été tué dans sa cellule en 1979 par un gardien ou au moins avec sa complicité. Ce gardien travaille toujours à la prison alors que la justice connaît son nom et sait ce qu’il a fait. L’enquête officielle traîne et n’aboutit à rien. Nous ne voulons pas que les gardiens se croient autorisés à commettre ce genre de meurtres légaux. On a mis l’accent sur les morts que nous aurions pu provoquer mais qu’a-t-on fait pour éclaircir les conditions dans lesquelles entre 1977 et 1981 cinq personnes sont mortes en prison ? » « Nous n’avons rien à voir avec les charognards frustrés qui s’appellent “Comité pour l’amélioration des conditions de détention” ou d’autres. (…) Nous sommes contre toutes les prisons, qu’elles soient vieilles et sordides comme celle de Montpellier ou modernes comme celle de Nîmes. Nous ne réclamons pas la construction d’une nouvelle prison, nous sommes pour la suppression de l’univers carcéral et nous demandons en priorité la suppression des QHS. Les Socialistes avaient promis leur disparition. Maintenant, on se rend compte qu’ils veulent garder le même système. Nous ne les laisserons pas faire. On ne peut pas “humaniser” les prisons. Il faut les détruire (…). Nous ne faisons pas de distinction entre prisonniers politiques et prisonniers de droit commun… Ils sont tous des prisonniers sociaux. Nous briserons les barreaux du silence qui les enferme… ».
P Fin janvier 1983, côté italien, une matonne de la prison de Rebibbia, à Rome, est enlevée par les militants du « Pouvoir prolétarien armé » et soumise à un interrogatoire à son domicile. La matonne sera exécutée. « Nous détruirons les prisons et le personnel politico-militaire qui y travaille » déclare le texte de revendication.
P 7.9.1983. Un colis piégé destiné à un maton de la maison d’arrêt de Rouen explose et tue sa fille. Pour le syndicat FO maton, « il est temps de prendre des mesures efficaces, tant matérielles que juridiques pour empêcher l’italianisation des professions judiciaires et policières ».
P 5.10.1983. Quatre matons de la prison Saint-Paul à Lyon sont tour à tour poursuivis par des inconnus circulant en voiture.
P 16.9.1984. Un maton de la maison d’arrêt de Vannes est agressé à la sortie du dancing par plusieurs personnes dont un ex-détenu inculpé par la suite.
P 29.11.1984. Les locaux parisiens du syndicat autonome du personnel pénitentiaire sont détruits à l’explosif. Dans un texte intitulé « Lettre piégée aux crapules socialistes n° 3 » et signé par le groupe Geronimo. Les auteurs déclarent s’en être pris au S.A.P.P. pour « manifester notre colère contre la politique criminelle des socialistes en matière d’extradition et pour manifester notre soutien aux prisonniers et prisonnières qui luttent contre l’avilissement de l’enfermement. Nous appelons tous les révoltés et les anarchistes à déterrer la hache de guerre. Il est grand temps. Aujourd’hui, le local des matons, rue des Moulins ».
P 20.6.1985. Des installations de la SNCF sont sabotées à Châtelet-en-Brie, ce qui entraînera des retards dans le trafic. Os’Cangaceiros** signe et « exige la libération des prisonniers et l’arrêt des poursuites engagées contre les mutins qui s’étaient révoltés contre leurs conditions de détention au mois de mai dernier ».
P Le lendemain, des pneus, de la paille et des traverses sont incendiés sur les rails de la voie ferrée Nantes-Paris. Action revendiquée par Os’Cangaceiros.
P 27.6.1985. Près de Toulouse, un incendie est provoqué sur la voie Toulouse-Paris. Le G.A.R.E. (Groupe d’Appui aux Rebelles Emprisonnés) diffuse un communiqué : « Sabotage voie ferrée Saint-Joly-Toulouse. Blocage du Capitole. Soutien à la révolte des prisonniers. Remises de peine pour tous les condamnés. Libération de tous les prisonniers. Arrêt définitif des expulsions d’immigrés. Amnistie pour tous les mutins. Eté brûlant pour la France matonne ».
P Dans la nuit du 29 au 30 juin, 2 compresseurs de l’imprimerie Presse Loire Océan à Saint-Herbain, qui tire des journaux parisiens, sont sabotés par les « Amis des taulards révoltés » pour protester contre la façon dont est évoquée la situation des détenus dans ces journaux.
P Le même jour, le Paris-Bruxelles est stoppé par le groupe Os’Cangaceiros. Les wagons sont bombés : « Amnistie pour tous les taulards », « Arrêt des expulsions ».
P Peu après, le 1er juillet 1985, les installations de la SNCF sont sabotées à Jonquières, entre Nîmes et Tarascon. « Les Hooligans du rail » revendiquent et déclarent avoir agi par « solidarité avec les détenus ». P Le 9 juillet 1985, 4 militants des « Amis des taulards » sont arrêtés et écroués à Rouen pour les diverses actions de solidarité des jours précédents contre les installations ferroviaires.
P 12.7.1985. A Paris, vers 6 h 30, sabotages dans le métro, le trafic a été perturbé sur les lignes 3 et 13. Des inconnus, pour manifester leur solidarité avec les détenus, ont renversé une bétonnière et de grosses bobines de câbles sur les voies. Ils ont couvert le mur de la station Bourse d’inscriptions réclamant la libération de tous les prévenus, l’arrêt des expulsions des immigrés et ont exprimé leur solidarité avec les « Hooligans du Val-de-Seine » et les « Pirates du rail » interpellés récemment à Rouen. Cette action a été signée « Ordre Noir ».
P 13.7.1985. « Nos amis crèvent en taule, videz les prisons » écrivent ceux qui ont incendié à Lyon le véhicule du directeur de cabinet du préfet. Le véhicule de fonction d’un colonel de l’armée de l’air est également détruit à Lyon. D’autres bombages : « Nos amis crèvent à Saint-Paul et à Saint-Joseph ». « On a la haine ». On comptabilisera une quinzaine d’actions de ce type depuis le 20 juin.
P Le 15 juillet à Aurillac, une centaine de voitures du Tour de France sont endommagées par le « Comité de soutien aux taulards ».
P Le 16 juillet 1985, l’atelier d’un concessionnaire-négrier en rempaillage, connu pour payer les détenus de la maison d’arrêt de Saint-Michel au lance-pierres, est détruit par un incendie à Toulouse. Les murs de l’immeuble seront bombés de diverses inscriptions : « Vive les mutins de Chaumont, Lyon et Fleury », « Comité des quatre de Rouen », action signée par Los Bandoleros.
P Le 19 août 1985, Les «Amis des taulards révoltés » revendiquent le sabotage des installations de l’imprimerie Rhône Offset Presse à Lyon, en réponse « à la campagne de calomnie menée par toute la presse contre les taulards révoltés. »
P 2.1.1986. Le commissariat de Gennevilliers est l’objet d’un attentat, un communiqué est diffusé : « Non à la justice sectaire, non à la justice raciale et bourgeoise. L’explosion du commissariat n’est que symbolique. C’est en représailles à toutes les injustices dans les prétoires de France. Nos meilleurs vœux à tous les détenus, sans distinction de sexe, de race ou de religion. A tous les amis qui se reconnaîtront, salut ! ».
P 26.2.1986. Six lignes de métro sont sabotées. Action revendiquée par « Les travailleurs du négatif » « pour soutenir les détenus Courtois, Khalki et Thiolet, incarcérés à la suite de leur action au palais de justice de Nantes. Khalki est en grève de la faim depuis deux mois. »
P 27.4.1986. Autre action extérieure contre une prison. Une voiture contenant six grosses bouteilles de butane explose le long d’un mur de la maison d’arrêt St-Michel à Toulouse.
P Première semaine du mois de juin 1986, à Chypre, l’ancien directeur de la prison centrale est tué par l’explosion de sa voiture. P 18.7.1987. Des gens se revendiquant d’« Action Directe » tentent de faire exploser le véhicule d’un maton devant la prison de Montluc à Lyon et diffusent un texte : « Nous frapperons l’Etat et ses domestiques quand, où nous voudrons et nous commençons par une action symbolique contre le système répressif de l’Etat mais nous n’hésiterons pas à frapper plus durement si le régime spécial imposé à nos camarades emprisonnés continue… ». P 21.7.1987. Le groupe Celliah Chandrabose, du nom du détenu mort des suites d’une grève de la faim à la prison de Fresnes, revendique l’incendie des locaux de FO à Rennes : « Non à la mort lente… Rasons toutes les prisons… » écrivent-ils sur les murs des locaux incendiés. P 22.2.1988. C’est l’institut médico-légal qui est plastiqué. Action revendiquée par « Solidarité révolutionnaire Internationale ». Dans un tract laissé sur place les auteurs affirment : « Un Etat trafiquant d’armes, une société qui tire profit de la mort, ne doivent pas s'étonner des réactions au procès d’AD. Nous ne sommes pas sympathisants d’Action Directe, mais ennemis de l’ordre capitaliste et bureaucratique mondial et de sa logique de mort. Contre cette logique cannibale, à bas la torture de l’isolement, suppression des QHS. » P 21.3.1988. Des textes émanant du FLNC sont adressés à plusieurs directeurs de prison afin « d’exiger des améliorations des conditions de détention et le regroupement des 43 nationalistes corses répartis dans 13 lieux de détention… ». « Au cas où il ne serait pas remédié dans les semaines qui viennent à cette situation, nos commandos se verraient contraints d’engager des actions de plus en plus dures contre le personnel de l’administration pénitentiaire… » P Début juillet 1988, deux matons sont tabassés en descendant d’un bus à Marseille. P 8.7.1988. Une charge explosive fait sauter le véhicule d’un maton de la maison d’arrêt d’Ajaccio. P Dans la nuit du 9 au 10 avril 1989, le portail de la maison d’arrêt de Nîmes est « victime » d’un attentat à l’explosif. Action revendiquée au nom du Comité de Défense des commerçants et artisans dont deux membres sont à cette époque incarcérés. Le président de cette association exprimera un démenti. *GARI (Groupe d’Action Révolutionnaire Internationaliste). Rassemblement de plusieurs groupes autonomes français et espagnols en vue d’apporter une solidarité concrète et active au mouvement révolutionnaire espagnol et plus particulièrement aux emprisonnés du MIL (Mouvement Ibérique de Libération). Apparu en mai 1974 lors de l’enlèvement du banquier B. Suarez à Paris, le GARI a eu à son actif jusqu’à son auto dissolution en août 1974 de nombreux attentats et plusieurs expropriations en France et en Belgique. **Os Cangaceiros désignent les bandoleiros de la fin du xixe siècle qui pillent les riches fazenderos et ridiculisent la police au Brésil.
Chronologie tirée du bulletin du CRAS
n° 3 - novembre 1989